Compte-rendu critique: le ciel de bay city de catherine mavrikakis
FAIRE VIVRE UNE AUTRE HUMANITÉ...
1- La Parole malade, soumise à la folie des hommes et les blancs de mémoire.
Le ciel de Bay City, en plus de faire se croiser le passé et le présent au dessus de nos têtes de lecteur, (la temporalité ignore les frontières, le ciel n’est pas couturé, ni blessé, comme les hommes : serait-ce là l’origine de l’« indifférence » que lui prête Amy, le personnage principal, quand elle lève le poing vers lui, en crachant insolemment un refrain d’Alice Cooper?), Le ciel de Bay City réunit deux nostalgies familières au cœur humain: le Noir vibrant des lettres toujours en deuil d’elles-mêmes, qui confronte tout en l’incarnant, le Blanc d’une parole qui se tait, tarie d’elle-même au plus nu de l’horreur humaine, et qui ne veut et ne peut sortir de sa nuit, blanche elle aussi. Cette parole vidée d’elle-même est celle des victimes de l’horreur nazie. Elle est tout aussi bien celle de toutes les victimes de l’horreur et de la cruauté, sous toutes les latitudes. C’est une des dimensions frappantes du roman de Mme Catherine Mavrikakis. Pour rendre un peu de chair à cette parole abîmée menacée de disparition, pour pouvoir la lire et l’accepter, Amy, la jeune héroïne du roman, presque dix-huit ans, la met en scène au travers de la sienne propre d’une façon presque carnavalesque, « le rire carnavalesque qui lève les interdits et les tabous possède, dans une certaine mesure, une charge de contestation de l’autorité, » à la manière du théâtre de rue médiéval quand les comédiens montaient sur « l’échafaud ». La vie dans ces conditions nous dit Amy, est une malchance : « la mort est derrière moi. Je suis condamnée à la vie. » Parole carnavalesque, mais surtout émouvante. Son discours ainsi grimé, tantôt grinçant, tantôt effrayé, Amy lutte contre la disparition de l’autre parole, la presque disparue, la médiatrice, celle qui se