Imaginez la rencontre entre deux individus de codes sociaux différents. Faites-les dialoguer.

Mme De La Levrière avait, pour une contemporaine, des manières bien désuètes et affectées qui témoignaient d’une époque révolue. Elle ne laissait personne indifférent tant elle arborait ostensiblement sa culture empreinte de préciosité, qu’elle faisait prévaloir en toute circonstance, exprimant ainsi un mépris auquel il n’y a rien d’égal pour les mœurs de son époque qu’elle jugeait de plus en plus infâmes et éhontées. Férue de littérature idyllique, elle trouvait refuge dans les histoires romancées qui développèrent en elle, au cours de ces longues lectures, une grande sensibilité pour l’amour que peuvent tendrement partager deux êtres dans la fraicheur d’un sentiment idéalisé. Bien que son âge fût avancé et que le trépas la menaçait, elle voulait intensément vivre cette expérience que seule son imagination, jusqu’à présent, avaient librement pu en saisir quelques subtilités. Mme De La Levrière était consciente de la difficulté de ce à quoi elle aspirait. Les hommes modernes qui déambulaient dans les rues parisiennes sous ses yeux hagards, faisaient montre d’une telle trivialité qu’ils ne lui inspiraient qu’aversion et antipathie. Mais la solitude, qu’elle avait pourtant auparavant tant affectionnée pour la protection qu’elle lui apportait, commençait à lui peser, et le besoin de rencontrer quelqu’un s’exacerbait chaque jour un peu plus. Les méthodes traditionnelles ont fait leur temps, lui a-t-on si souvent scandé. Il est vrai que Mme De La Levrière était ignorante des pratiques actuelles qui régissaient le marché de l’amour. Ce décalage lui desservait pour sa quête de l’âme sœur. Elle voulu alors avoir recours à des méthodes un peu plus modernes. Dans un élan encore indicible, elle décida de s’inscrire sur un site de rencontre dont les promesses étaient plutôt alléchantes, celles de construire une histoire durable avec quelqu’un qui nous correspond. Séduite,