Contemplations Melancholia Commentaire
La misère épaissit ses couches formidables.
Les malheureux sont là, dans le malheur reclus.
L'indigence, flux noir, l'ignorance, reflux,
Montent, marée affreuse, et parmi les décombres,
Roulent l'obscur filet des pénalités sombres.
Le besoin fuit le mal qui le tente et le suit,
Et l'homme cherche l'homme à tâtons ; il fait nuit ;
Les petits enfants nus tendent leurs mains funèbres ;
Le crime, antre béant, s'ouvre dans ces ténèbres ;
Le vent secoue et pousse, en ses froids tourbillons,
Les âmes en lambeaux dans les corps en haillons :
Pas de cœur où ne croisse une aveugle chimère.
Qui grince des dents ? L'homme. Et qui pleure ? La mère.
Qui sanglote ? La vierge aux yeux hagards et doux.
Qui dit : « J'ai froid ? » L'aïeule. Et qui dit : « J'ai faim ? » Tous !
Et le fond est horreur, et la surface est joie.
Au-dessus de la faim, le festin qui flamboie,
Et sur le pâle amas des cris et des douleurs,
Les chansons et le rire et les chapeaux de fleurs !
Ceux-là sont les heureux. Ils n'ont qu'une pensée :
A quel néant jeter la journée insensée ?
L’extrait se trouve dans le poème Melancholia de Victor Hugo. Il est le deuxième poème du livre III intitulé : Les Luttes et les Rêves. Ce dernier (qui contient 30 poèmes) se trouve dans le tome 1 : Autrefois. Ce livre parle principalement du combat social. Le poème a été écrit de 1846 à 1854, deux ans avant la publication des Contemplations, Ce recueil est une représentation de sa vie avec au milieu, l’événement qui l’a le plus marqué, la mort de sa fille Léopoldine. Hugo est un des chefs de file du romantisme, il est donc un poète militant, qui lutte contre l’injustice sociale. Il a d’ailleurs prononcé un grand nombre de discours en faveur des gens moins aisés et des enfants, dont l’un en 1849 à l’assemblée législative sur la misère. En 1852 il est exilé par Napoléon III.
Dans le passage, Hugo parle de l’injustice sociale et de la pauvreté avec un ton sombre et lugubre voire dramatique. Bien que son genre