Continuité ou rupture chez roger caillois
Depuis qu’il est pratiqué, l’art de la parole a toujours suscité la controverse. Déjà les Grecs tentaient de poser des distinctions entre rhétorique et poétique afin d’établir ce qui était souhaitable pour l’éducation de la jeunesse. Platon, dans ses dialogues, puis Aristote jetèrent les bases de ce qui allait devenir les règles de l’art oratoire. Les Latins, Cicéron en tête, poussèrent plus loin ces réflexions pour en venir à ce que l’on pourrait qualifier de « morale de l’expression ». Curieusement, la codification de l’expression, tant orale qu’écrite, a connu de longs siècles de quasi-sommeil et ce n’est qu’au XIXe siècle que l’on note un regain d’activité sur ce front. Dans la seconde moitié du XXe siècle, plusieurs auteurs se sont penchés sur le sujet, tant sous son appellation de rhétorique que sous celles de stylistique, linguistique ou, plus génériquement, de poétique. L’un de ces auteurs, Roger Caillois a proposé, dans son « Art poétique », un ensemble de règles visant à rétablir la crédibilité de la poésie, sinon du poète lui-même. Dans cet ouvrage, on remarque une affinité certaine entre les conditions propices à rendre crédible la poésie énoncées par Caillois et les règles conduisant à une rhétorique acceptable édictées par Socrate, dans plusieurs dialogues de Platon. Dans le but d’approfondir l’analyse de ces affinités, il est pertinent de répondre à la question suivante : « En quoi L’art poétique de Roger Caillois peut-il être tenu pour une continuation sans réelle rupture des poétiques anciennes, grecques et latines, par ce que [nous savons] de ces dernières?» Pour ce faire, nous examinerons les thèmes de la vérité, de l’ornementation et de l’inspiration dans les poétiques anciennes et dans celle de Caillois. Nous montrerons que dans le cas des deux premiers, Caillois est en totale continuation des poétiques anciennes. Par contre, le troisième thème fera voir une nette rupture chez Caillois. Enfin,