CORPUS DESPOTES TYRANS
Texte A : Jean Racine, Britannicus (1669), acte IV, scène 3, vers 1313 à 1336.
La scène se passe à Rome au Ier siècle ; Néron est empereur car il a été porté au pouvoir par sa mère Agrippine. Cette dernière s'est pourtant rapprochée de Britannicus, demi-frère de Néron et héritier légitime du trône, pour empêcher son fils de prendre trop d'indépendance. Il s'adresse ici à son confident Burrhus.
NÉRON
Elle1 se hâte trop, Burrhus, de triompher :
J'embrasse mon rival2, mais c'est pour l'étouffer.
BURRHUS
Quoi, Seigneur !
NÉRON C'en est trop : il faut que sa ruine
Me délivre à jamais des fureurs d' Agrippine.
Tant qu'il respirera je ne vis qu'à demi.
Elle m'a fatigué de ce nom ennemi ;
Et je ne prétends pas que sa coupable audace
Une seconde fois lui promette ma place.
BURRHUS
Elle va donc bientôt pleurer Britannicus ?
NÉRON
Avant la fin du jour je ne le craindrai plus.
BURRHUS
Et qui de ce dessein vous inspire l'envie3 ?
NÉRON
Ma gloire, mon amour, ma sûreté, ma vie.
BURRHUS
Non, quoi que vous disiez, cet horrible dessein
Ne fut jamais, Seigneur, conçu dans votre sein.
NÉRON
Burrhus !
BURRHUS
De votre bouche, ô ciel ! puis-je l'apprendre ?
Vous-même sans frémir, avez-vous pu l'entendre ?
Songez-vous dans quel sang vous allez vous baigner ?
Néron dans tous les cœurs est-il las de régner !
Que dira-t-on de vous ? Quelle est votre pensée ?
NÉRON
Quoi ! toujours enchaîné de ma gloire passée,
J'aurai devant les yeux je ne sais quel amour
Que le hasard nous donne et nous ôte en