En côtoyant la mer à la quête de leurs mines, quelques Espagnols prirent terre en une contrée fertile et plaisante, fort habitée, et firent à ce peuple leurs remontrances accoutumées : Qu’ils étaient gens paisibles venant de lointains voyages, envoyés de la part du roi de Castille, le plus grand prince de la terre habitable, auquel le pape, représentant Dieu en terre, avait donné la principauté de toutes les Indes; que s’ils voulaient lui payer un tribut, ils serait très bénignement traités, leur demander des vivres, pour leur nourriture, et de l’or, pour le besoin de quelque médecine; leur expliquaient au demeurant la croyance d’un seul Dieu et la vérité de notre religion, laquelle ils leur conseillait d’accepter, y ajoutant quelques menaces. La réponse fut telle : que, quant à être paisibles, ils n’en portaient pas la mine s’ils l’étaient ; quant à leur roi, puisqu’il demandait, il devait être indigent et nécessiteux, et celui qui avait fait cette distribution, homme aimant dissension, d’aller donner à un tiers chose qui n’était pas sienne, pour le mettre en débat contre les anciens possesseurs ; quant aux vivres, qu’ils leur en fourniraient ; d’or, ils en avaient peu, et que c’était une chose qu’ils mettaient en nulle estime, d’autant qu’elle était inutile au service de leur vie, là où tout leur soin regardait seulement à la passer heureusement et plaisamment ; pour cette raison, ce qu’ils en pourraient trouver, sauf ce qui était employé au service de leurs dieux, qu’ils le prissent hardiment ; quant à un seul Dieu, le discours leur en avait plu, mais qu’ils ne voulaient changer leur religion, s’en étant si utilement servis si longtemps, et qu’ils n’avaient accoutumé prendre conseil que de leurs amis et connaissants ; quant aux menaces, c’était signe de faute de jugement d’aller menacer ceux desquels la nature et les moyens étaient inconnus ; ainsi, qu’ils se dépêchassent promptement de vider leur terre, car ils n’étaient pas accoutumés de prendre en