Corruption de la monarchie
La monarchie se perd, lorsque le prince, rapportant tout uniquement à lui, appelle l’État à sa capitale, la capitale à sa cour, et la cour à sa seule personne.
Enfin elle se perd, lorsqu’un prince méconnoît son autorité, sa situation, l’amour de ses peuples ; et lorsqu’il ne sent pas bien qu’un monarque doit se juger en sûreté, comme un despote doit se croire en péril.
Le principe de la monarchie se corrompt lorsque les premières dignités sont les marques de la première servitude, lorsqu’on ôte aux grands le respect des peuples, et qu’on les rend de vils instruments du pouvoir arbitraire.
Il se corrompt encore plus, lorsque l’honneur a été mis en contradiction avec les honneurs, et que l’on peut être à la fois couvert d’infamie et de dignités.
Il se corrompt lorsque le prince change sa justice en sévérité ; lorsqu’il met, comme les empereurs romains, une tête de Méduse sur sa poitrine ; lorsqu’il prend cet air menaçant et terrible que Commode faisoit donner à ses statues.
Le principe de la monarchie se corrompt lorsque des âmes singulièrement lâches tirent vanité de la grandeur que pourroit avoir leur servitude ; et qu’elles croient que ce qui fait que l’on doit tout au prince, fait que l’on ne doit rien à sa patrie.
Mais s’il est vrai (ce que l’on a vu dans tous les temps) qu’à mesure que le pouvoir du monarque devient immense, sa sûreté diminue ; corrompre ce pouvoir, jusqu’à le faire changer de nature, n’est-ce pas un crime de lèse-majestécontre