Critique du film incendie
Villeneuve signe un scénario d'une grande finesse, d'une étonnante économie de mots, magnifié par la charge poétique des images, d'une âpreté de circonstance. En résulte un réquisitoire tout aussi puissant contre la guerre, s'appuyant sur des silences éloquents et cette phrase charnière de l'oeuvre de Mouawad: «L'enfance est un couteau planté dans la gorge. On ne le retire pas facilement.» Le fil de violence doit être rompu, pour que la violence n'engendre plus la violence.
Le ton général d'Incendies, le film, est plus sombre que celui de la pièce, allégée par le personnage, presque loufoque, du notaire Lebel. Celui incarné, avec grande justesse, par Rémy Girard est plus sobre, porteur de secrets, transmetteur d'héritages.
L'héritage, notamment, de Jeanne et Simon Marwan (Mélissa Désormeaux-Poulin et Maxim Gaudette, aussi très justes), jumeaux qui apprennent, à la lecture du testament de leur mère, que leur père est toujours vivant et qu'ils ont un frère aîné. Ils seront chargés de remettre une lettre à chacun, afin de respecter les dernières volontés de Nawal, femme mystérieuse venue du Moyen-Orient, morte subitement.
De tous les écueils, Denis Villeneuve a évité le plus évident: celui d'offrir des images de cartes postales du pays imaginé - qui pourrait bien sûr être le Liban; une partie du tournage a eu lieu en Jordanie - où se déroule la quête des jumeaux et où l'on découvre, par strates narratives, les secrets douloureux de Nawal (magnifique Lubna Azabal).
Chaque plan est étudié, parfaitement intégré, cohérent, sans être esthétisant (grâce à la direction photo du collaborateur des premiers jours, André Turpin). À l'image de la séquence d'ouverture, d'une grande beauté