Critique littéraire
Roman de la suspicion, de la culpabilité et du remord.
« En plein jour. Ils l’ont jeté dans un puits de l’autre côté du village. Ils l’ont pris par les jambes et l’ont fait basculer comme une poche de blé. En comptant un, deux, trois.»[1] Telles sont les premières lignes du roman Le discours sur la tombe de l’idiot, publié en 2008, de Julie Mazzieri. Et un, deux, trois : l’idiot est mort. Le ton est détaché, dénué de toute émotion. Un style qui provoque la dépersonnalisation. Une écriture simple et acérée où l’humain est comparé à une vulgaire poche de blé.
Il y a la pute, le maire, l’adjoint. L’ouvrier étranger, Romain, la vieille Henri. Des personnages que l’on apprend à connaître grâce à une narration omnisciente. Une narration efficace qui plonge le lecteur dans le rôle du témoin. Il suffit de tendre l’oreille pour entendre les commérages qui vont et viennent de chaque côté du village : la rumeur court.
Le discours sur la tombe de l’idiot c’est une structure divisée en cinq chapitres. Cinq chapitres parsemés d’ellipses narratives avec des phrases tantôt longues, tantôt courtes qui assurent le rythme. « Un village comme ici c’est pas une place pour les intrigues »[2]. Et pourtant, ce village nous retient. Sans même qu’on y soit invité. Un village où l’intransigeance nous pue au nez. L’atmosphère est lourde dans Chester et la tension habite le lecteur du début à la fin.
Le discours sur la tombe de l’idiot c’est deux cent quarante-cinq pages douces-amères. Un humour noir, une fresque grise. Une plume juste. Une fin énigmatique. C’est une condamnation de la bêtise.
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[1] MAZZIERI, Julie. Le discours sur la tombe de l’idiot, Librairie José Corti, 2008, p.9
[2] Idem, p.