Culture générale
D’autant que cette phrase, témoin de ce que fut l’immense ambition de l’école républicaine française, sert aujourd’hui de paravent pour masquer sa grande misère. Son usage immodéré relève surtout d’un malentendu, ou plutôt d’un authentique anachronisme. Car elle est utilisée pour justifier la poursuite des mêmes aberrations pédagogiques qui ont miné l’école depuis plus de trente ans, et réclamer toujours plus de moyens jetés à fond perdus dans un navire en perdition. «Ouvrez des écoles, vous fermerez des prisons» ce beau cri du cœur est devenu le plus triste des chantages : «Par la magie du nombre, la magie du budget, vous luttez contre la délinquance et les inégalités, vous luttez contre la misère et les injustices. Qui n’en convient pas est un complice des exploiteurs.» Mais s’y lit également une curieuse pétition de principe libertaire : «Il faut fermer les prisons, toutes les prisons, car l’éducation – et même la rééducation – est la solution.» Et qui n’adhèrerait pas à cette croyance est coupable – le terme est à la mode – de «dérive sécuritaire».
Il n’est rien de plus triste que cette ironie de l’histoire, qui fait que les plus farouches partisans de la phrase d’Hugo sont précisément ceux qui l’ont fait mentir. Car cette phrase, si pleine de générosité, n’est malheureusement pas vraie pour l’éternité. Elle le fut, au XIXème siècle, quand l’école républicaine n’existait pas encore, quand de pauvres gamins