Dans quelle mesure la poésie vous semble-t-elle particulièrement apte à susciter une remise en question du langage ?
Pour la poésie au départ, il s’agissait de mettre en forme des rythmes, des rimes, d’imprimer dans l’esprit du lecteur des textes faciles à mémoriser. « Sur », « J’écris ton nom », « j’écris ton nom », « liberté » chante Eluard, les mêmes mots reviennent sans cesse dans le poème « Liberté » et produit une étrange musique comme un appel au combat, à la résistance. « Bien placés bien choisis, Quelques mots font une poésie » écrit Queneau, ce n’est pas aussi simple que cela.
La poésie, un dépassement du langage ordinaire
Un poète c’est avant tout un artiste qui a un moi plus sensible, une connaissance aigue du monde et des hommes, qui essaye de créer un nouvel univers reprenant la signification grecque de la poésie, poien en grec signifiant créer. Cette création s’accompagne d’une modification de la réalité, d’une expression dans une langue originale, inhabituel, plus esthétique, pour forcer le lecteur à réagir, face à lui et face au monde. La poésie est souvent plus impression que compréhension, le poète jouant plus sur la sensibilité que sur la raison. On cite souvent le remplacement par un passant poète du panneau d’un aveugle, « Aveugle de naissance » par «Le printemps va venir, je ne le verrai pas ». Cette phrase contraste avec la simplicité habituelle de ces panneaux pour suggérer des images, des contrastes, un lyrisme avec l’emploi du « je ». Le langage poétique s’oppose au langage quotidien, il est plus personnel, plus complet, il fait appel à un effort de compréhension, à l’imagination, à l’utilisation de nombreuses métaphores qu’il faut décoder, à de nombreux synonymes. Pour exprimer des termes ordinaires, l’onde remplacera l’eau par exemple. La poésie remet en cause la syntaxe traditionnelle, le poète joue sur la musicalité, varie les sonorités avec les assonances, les allitérations)
Comme dans cet exemple