Il n’y aurait pas eu de révolution sans moi. Il n’y aurait pas eu de république sans moi. Non vous ne me trainerez pas vers la mort. Je suis vivant. A jamais. Le monde nous regardera et se demandera quel genre d’homme nous étions. Ne laissons pas dire que nous n’étions pas meilleurs que ceux que nous avons chassés. Nous sommes tous condamnés à mourir. Je connais cette cours, c’est moi qui l’ai créée. Et j’en demande pardon à Dieu et aux hommes. A l’origine, elle devait être, non pas le fléau de l’humanité, mais un rempart, une dernière instance contre le déchainement des fureurs, de la brutalité, de la peur. Au lieu de cela, c’est devenu l’assassinat des consciences. Et ceux qui plus tard nous jugerons, verront bien que moi, Danton, je n’ai pas voulu cela. Si je parle aujourd’hui, c’est pour défendre ce que nous avons réalisé, c’est pour tout ce que nous avons atteint, et non pour sauver ma vie. Nous avons brisé la tyrannie des privilèges, nous avons tué le vers dans le fruit, en abolissant ces pouvoirs auxquels n’avait droit aucun homme. Nous avons mis fin au monopole de la naissance et de la fortune, et cela dans tous les grands offices de l’état. Dans nos églises, dans nos armées, dans ce vaste complexe d’artères et de veines qui fait vivre ce corps magnifique de la France. Nous avons déclaré que l’homme le plus humble de ce pays et désormais l’égal des plus grands. Et cette liberté acquise pour nous même, nous l’avons offerte aux esclaves. Et nous confions au monde la mission de construire l’avenir sur l’espoir que nous avons fait naître. Ceci, c’est plus qu’une victoire dans une bataille, plus que les épées, les canons, et tous les escadrons des cavaleries de l’Europe. Et cette inspiration, ce souffle pour tous les hommes partout, en tous lieus, cet appétit, cette soif de liberté, jamais rien ni personne ne pourra l’étouffer. Nos vies n’auront pas été inutiles. Nos vies n’auront pas été vécues en vain.
Georges Jacques DANTON
(octobre 1759 - 5 avril 1794)