Dd"sir image et imagination
INTRODUCTION
I) Première approche
De toutes les facultés humaines, l’imagination est l’une de celles qui suscitent les appréciations les plus contradictoires. Pour les poètes, pour les artistes en général, mais aussi selon certains philosophes, elle témoigne de la liberté de l’esprit humain. Grâce à l’imagination, en effet, les hommes sont capables, non seulement de se représenter l’irréel, mais aussi de soumettre le monde à leurs désirs en dessinant les nouveaux territoires de la vérité : « l’imagination est la reine du vrai, et le possible est une des provinces du vrai » écrit Baudelaire (texte 1). Mais l’imagination est également une source d’erreurs et d’illusions, car elle nous renseigne moins sur la réalité elle-même que sur les réactions de notre corps et de notre sensibilité à notre milieu. C’est l’interférence des sources de nos représentations qui serait la cause de l’illusion, dont l’imagination est en l’occurrence directement responsable (texte 2, d’Alain). Il faut donc se demander pourquoi l’imagination fait l’objet d’interprétations à ce point antithétiques. Il apparaît que cette contradiction procède de la nature ambiguë de cette faculté.
Le terme « imagination » vient du latin « imago », de « imitari », imiter. Suivant cette étymologie, comme pour le sens commun, l’imagination serait donc la faculté « d’imiter par des images ». Cependant cette approche suscite deux objections majeures. Tout d’abord, le terme d’« image » est lui-même une métaphore, c’est-à-dire le transport d’un mot d’un domaine dans un autre. Une image matérielle est en effet une trace qui évoque physiquement ce à quoi elle ressemble partiellement : tel est le cas du reflet de mon visage dans l’eau, par exemple. Au contraire, une image mentale ne ressemble en rien à ce qu’elle est censée représenter, car les « choses » de l’esprit ne sont pas visibles ni sensibles : l’image du soleil, par exemple, n’émet aucune lumière, de même que l’idée de chien