De démocrite à little boy
Je suis assis à ma table. Le monde m’entoure. Mes yeux le voient, ma main touche ses objets. Je sors. Marche sur lui, admire ses couleurs, respire son air, apprécie sa solidité. Plus je vois, plus je fais et plus il est en moi et plus je suis en lui. Nous sommes congénères, nés ensemble, faits de même matière. La différence entre nos matières, c’est que la mienne pense et la sienne non. Bien sûr, je peux dire je suis matière, mais Je qui parle est non-matière. Pensant le monde je suis hors-monde mais par mon corps je suis bouclé dedans. En mon cerveau nait la pensée, nuage sans forme, sans poids, sans masse, sans consistance, sans but autre que celui que je lui donne et modifie à mon gré. C’est mon statut d’homme « du monde » : matière charnelle pensant des pensées. Cela a-t-il toujours été ainsi? Depuis quand l’homme s’est-il inquiété de la Matière du Monde et de la sienne? A partir de quand, son esprit qui plane au dessus et au dedans des choses, a-t-il posé cette question: qu’est-ce que la Matière ? Et par quel chemin, quelle magie, ce Moi immatériel, lié à ce corps de matière, en arrive-t-il à cette interrogation ?
Le jour où l’homme s’interroge sur la nature du monde dans lequel il vit, il voit bien qu’il en fait partie, qu’il est lui aussi ce monde, constitué des mêmes éléments que lui, et que donc, à la fois dans le monde et hors de lui, la question posée devient au moment même où elle est posée, plus une énigme qu’une question. Et c’est l’Etonnement, du latin attonnare, frappé du tonnerre. Les siècles passent, des énigmes sont résolues, d’autres naissent, l’étonnement excite l’esprit qui résout l’énigme qui en cache une autre... et cela, sans fin aucune prévisible. L’homme est un Boanergès*, un « Fils du Tonnerre », un frappé du tonnerre, un Etonné.
Ce qu’il devenait ce monde, la connaissance qu’il allait pouvoir développer de lui, l’homme en ignorait la future grandeur. De même, ce qu’il était ou croyait