Delhia ou l'escalier
Des bruits de pas résonnaient dans ma tête lorsque Delhia me marchait sur le crâne. Elle allait de part et d’autre de la voûte et soudain s’arrêta. Elle s’adressa à moi d’une voix douce et mielleuse, lente et profonde, qui déliait sa langue délicatement. Elle prononça quelques euphémismes et descendit de son estrade en m’arrachant quelques cheveux au passage, sans manquer de me faire un baiser alors qu’elle posait gracieusement les pieds sur le sol. Comme, endormi par le caractère absurde de la situation, je n’avais rien compris, je lui demandai de répéter la question. Il faut dire que j’avais mis deux chaussettes de couleurs différentes ce jour-là. C’était en fait pour cacher mes ongles qui incarnaient, grâce à l’utilisation d’un couteau à ongles, Lao-Tseu, un célèbre philosophe que j’appréciais. Elle réitéra donc, avec un sourire qui donnait envie d’en manger un morceau:
Pourrais tu me faire une fleur?
Je n’ai qu’un lacet et un bout d’étoffe pour me moucher, répondis-je.
Cela t’ira-t-il?
Elle fit une moue qui voulait dire oui sans qu’elle n’use de sa salive ni de sa mâchoire et je me mis donc à confectionner une héliocélidée complexe, juste pour l’impressionner – et parce que c’était son végétal favori.
Delhia, je l’aimais. Cette panthère rousse à la peau tachetée de milliers de petites étoiles qui me servait de compagne déclenchait en moi des réactions chimiques. C’en était troublant. Voilà ce que je me disais à ce moment-là. Je m’en rappelle bien, car c’était un dimanche
4 avril, et un dimanche 4 avril, ça s’oublie pas. Jamais.
Le temps que je me fasse cette réflexion, et Delhia s’en était allée par la fenêtre du 4ème. Je l’entendis rebondir sur le sol et je pensai que j’avais du travail. Les deux gosses étaient à leur cours de scie circulaire et je devais bientôt aller les chercher. Ils étaient arrivés la semaine précédente en train, avec deux heures de retard, mais j’avais
cru bon de les garder quand