Des fleurs pour algernon
Intimité du journal
La forme littéraire du journal intime était le meilleur choix esthétique possible pour ce roman qui est d'abord le tableau dramatique d'un individu confronté à l'énigme de sa propre double identité. S'il n'est d'abord qu'un outil de travail médical imposé à Charlie Gordon par les professeurs Nemur et Strauss pour leur permettre de suivre l'évolution de son QI, Charlie finit par se l'approprier totalement et s'en sert de miroir et de confident. L'évolution intellectuelle de Charlie se manifeste aussi bien dans le contenu de plus en plus élaboré du journal que dans l'évolution même de sa maîtrise orthographique et grammaticale de la langue. Le lecteur lira les premiers "comptes rendu" de Charlie cousus de fautes et écrits de manière quasiment phonétique et se rendra compte stylistiquement de l'évolution du personnage. La tournure tragique du récit n'apparaîtra qu'à la fin du roman, lorsque Charlie perdra peu à peu ses facultés mentales et ne pourra par conséquent plus lire et comprendre son propre journal intime, véritable mémoire de son autre Moi devenu à jamais inaccessible.
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Intelligence à double sens
Le développement du QI de Charlie Gordon a des conséquences évidentes d'un point de vue cognitif. Charlie assimile rapidement tout ce qu'il lit : il apprend avec une aisance incroyable de nombreuses langues étrangères, il est capable de débattre conceptuellement avec des professeurs d'Université spécialistes dans leurs domaines, se met à composer un concerto pour piano, etc. Mais Daniel Keyes étend également les facultés de Charlie dans le sens d'un approfondissement réflexif de la structure psychologique du Moi et dans le décodage psychanalytique des manifestations de l'inconscient : rêves, souvenirs censurés, actes manqués. Charlie Gordon va ainsi se servir de ses nouvelles facultés mentales pour explorer la vie antérieure de son double