Description du colonel chabert
Le portrait n° 1 intervient dans le récit à travers le point de vue de Derville (« Le jeune avoué demeura pendant un moment stupéfait en entrevoyant […] le singulier client qui l’attendait », p. 60). Il donne à voir un personnage tout d’abord caractérisé par sa vieillesse
(« vieux soldat », « sec et maigre », « vieille tête », « rides blanches ») : Chabert apparaît, dans l’ensemble du roman, comme un « débris » de l’Empire (p. 105), l’incarnation d’une époque révolue.
Cette description dévoile aussi la misère économique (« haillon ») et morale du personnage (« triste », « douleur profonde »), et met l’accent sur la déchéance de l’homme (« défiguré »). Surtout, le portrait est placé sous le signe du mystère : les verbes « paraissaient »,
« sembler », les expressions « effet bizarre », « je ne sais quoi de funeste »
(p. 61) suggèrent qu’il s’agit là d’un personnage énigmatique, à décoder, comme peuvent le faire des hommes qui connaissent la nature humaine : « un médecin, un auteur, un magistrat », ou encore
« un observateur ». Le romancier, par les quelques traits physiques esquissés, suggère que « tout un drame » s’est joué.
• Un mort-vivant
Le champ lexical de la mort domine la description physique du personnage (« le visage pâle et livide, et en lame de couteau, semblait mort »
, regard « transparent », « physionomie cadavéreuse ») comme sa description vestimentaire (noirceur du chapeau p. 61 ; voir aussi p. 60 : « le cou était serré par une mauvaise cravate », qui évoque la cravate avec laquelle se pend Lucien de Rubempré dans
Splendeurs et misères des courtisanes) ou encore l’évocation de sa gestuelle
(« immobile », identification de Chabert à une « figure de cire » de Curtius ; « absence de tout mouvement dans le corps », p. 61).
Plus loin, le narrateur parle de Chabert comme du « défunt », en une formule oxymorique qui présente le personnage comme un mort-vivant (p. 63 : « dit le défunt »), et