Destinataire et registre
Texte A : Notre vie Notre vie tu l'as faite elle est ensevelie Aurore d'une ville un beau matin de mai Sur laquelle la terre a refermé son poing Aurore en moi dix-sept années toujours plus claires Et la mort entre en moi comme dans un moulin Notre vie disais-tu si contente de vivre Et de donner la vie à ceux que nous aimions Mais la mort a rompu l'équilibre du temps La mort qui vient la mort qui va la mort vécue La mort visible boit et mange à mes dépens Morte visible Nush(1) invisible et plus dure Que la soif et la faim à mon corps épuisé Masque de neige sur la terre et sous la terre Sources des larmes dans la nuit masque d'aveugle Mon passé se dissout je fais place au silence. Paul Eluard, Le Temps déborde, 1947. (1) Eluard l'épousa en 1934 ; sa mort, en 1946, le bouleversa.
Texte B Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne, Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends. J'irai par la forêt, j'irai par la montagne. Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps. Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées, Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit, Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées, Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit. Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe, Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur, Et, quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur. 3 septembre 1847(1). Victor Hugo, Pauca Meae(2), Les Contemplations, 1856.
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(1) veille du douloureux anniversaire de la mort de Léopoldine, fille aînée de