Deus caritas est
Il n’est pas question dans l’encyclique de l’absence d’amour qui domine l’organisation du monde, depuis 1492 surtout. Malgré l’importance qu’il accorde à la charité et à l’action sociale, le Pape n’analyse pas les structures qui sous-tendent l’ordre social actuel, par exemple le mode de répartition de la richesse et des revenus, qui prive tant de gens de leur pain quotidien dans un monde d’abondance et de gaspillage. Il élude ainsi les causes fondamentales de la pauvreté et de l’injustice. Pourtant, c’est parce qu’il s’opposait à l’injustice organisée de la société de son temps que Jésus est entré en conflit avec les élites de son pays, et en est mort. Malheureusement, la prédication et la liturgie des Églises ne mettent pas cet aspect au premier plan, tout en accordant beaucoup de place à la charité.
Il est donc légitime de poser la question : comment Benoît XVI peut-il affirmer que l’Église catholique témoigne de Dieu et de son amour alors qu’elle ne s’est jamais rangée du côté de ceux qui cherchaient à transformer la société pour la rendre plus juste, sauf de manière indirecte, par son action dans les domaines de l’éducation et des services sociaux ? Les affirmations de l’encyclique sur l’action sociale de l’Église sont peu crédibles chez nous, dans les pays d’Asie, où les agissements de l’Église au cours des cinq derniers siècles sont soumis à un examen critique tout autant par la société en général que par la recherche universitaire.
En vérité, les autres religions ont fait l’objet d’un mépris sans bornes, et même de violence, de la part des chrétiens. Ces attitudes étaient liées à la conception chrétienne traditionnelle de l’amour de Dieu : seuls les chrétiens pouvaient en bénéficier. Les auteurs de l’encyclique connaissent bien la littérature occidentale, la philosophie européenne et la tradition biblique, mais ils ne semblent pas s’être approchés assez longuement, et avec tout le respect voulu, de la