Devoirs
Texte : un vendeur habile
Avec des yeux globuleux, aux cils hérissés, il jeta des regards à droite et à gauche ; il se pencha vers Dieng, déplia avec précaution un carré de chiffon rouge où étaient logés de beaux grains de riz épais. Le commerçant se penchait, la voix basse sans expression, il continuait : « C’est du riz d’Indochine ! Pas du riz américain, ni français. Ce riz est plus économique que tous les autres ! J’en ai juste pour mes clients attitrés comme vous. » Le front de Mbarka se rida, son œil de mouton, humide, brillait. Dieng, mollement, tenant à conserver son avantage, du bout des doigts toucha les grains ; jusqu’aux extrémités de ses cheveux, un frisson intérieur, une impression électrique le traversa.
Mbarka examinait le visage de son client : « C’est ce riz que tu as mangé à midi. Qu’en dis-tu ? Sa digestion est rapide. A la préparation, il ne colle pas comme le riz toubab. C’est pas amidon ! Tu vois ces facettes, elles sont naturelles. Qu’en penses-tu ? Je te mets quinze kilos de côté, je ne pourrais pas plus, finit-il de dire en repliant le chiffon.
- c’est combien le kilo ?
- même prix Yallah est mon témoin que j’ai « graissé » des gens pour obtenir ce riz… Cette qualité ! Et pourquoi ? Et pour qui ? Pour vous, mes amis. Crois-tu que je vais profiter de toi ? Si seulement je te disais le nombre de gens qui me doivent, tu comprendrais que je n’ai pas de bénéfice avec vous. J’estime seulement que je dois récupérer mon argent. Je préfère perdre mon bénéfice des quinze kilos que de perdre ton estime. »
Mbarka avait convaincu Dieng. Pour son compte il n’avait qu’à repasser dès son retour de la poste. Afin de lui prouver son amitié, Mbarka croqua avec lui la cola et dit mi-plaisant, mi-sérieux : « Dégage vite ton riz ou je le donne à un autre qui paye comptant. »
Sembène Ousmane : Le Mandat, Présence Africaine.
Questions
I Maniement et connaissance de la langue (40pts)
I-1