Dialogue peine de mort
- Mais c’est là que l’on va trop vite : vous émettez une théorie conjecturale sur le fait que cette personne ne changera jamais ; en somme c’est la même erreur que celle de Schopenhauer quand il postule une immuabilité des caractères : le caractère incurable de criminelle que vous croyez déceler chez celui que vous jugez ne relève pas du Monde 1 mais du Monde 3 ; vous pouvez vous tromper ! Les choses ne sont pas dans les faits ce que l’on dit d’elles.
- Mais un méchant, c’est un méchant !
- Vous aviez admis que l’on peut se tromper sur les faits et preuves que l’on peut fournir pour établir la culpabilité d’un homme, et c’est pourquoi vous aviez admis que la peine de mort devait être abolie, ou au moins qu’elle ne devait être utilisée que dans les cas où la culpabilité est presque certaine. Vous vouliez cependant la conserver pour cela : cette personne qui fut condamnée, même si l’on sait que sa culpabilité était presque certaine, reproduit les mêmes forfaits dès sa sortie ; vous émettez donc une hypothèse, une loi, qui est que cette personne reproduit toujours le même forfait ; cette loi doit être ouverte à réfutation, donc vous ne pouvez pas tuer la personne.
- Au moins la peine de mort est-elle dissuasive !
- Dernier recours pour vous pour sauver la peine de mort : son caractère dissuasif. On objectera que comme Beccaria l’a déjà remarqué, son caractère dissuasif n’est pas établi. Mais là n’est pas le propos essentiel. En fait, il faut remarquer que la peine de mort coupe tout droit à l’erreur. La peine autre que la mort est en effet comme une réfutation permettant d’établir une nouvelle conjecture pour le criminel en lui faisant sentir ses erreurs. Tuez-le, et la peine perd sa fonction réfutative.
- Oui, mais ! Doit-on pour autant laisser le crime impuni