Dictionnaire de voltaire
Ce nom est tellement commun à des choses différentes, qu'on dit également l'Auteur de la nature, et l'auteur des chansons du Pont-Neuf, ou l'auteur de l'Année littéraire.
Nous croyons que l'auteur d'un bon ouvrage doit se garder de trois choses, du titre, de l'épître dédicatoire, et de la préface. Les autres doivent se garder d'une quatrième, c'est d'écrire.
Quant au titre, s'il a la rage d'y mettre son nom, ce qui est souvent très dangereux, il faut du moins que ce soit sous une forme modeste ; on n'aime point à voir un ouvrage pieux, qui doit renfermer des leçons d'humilité, par Messire ou Monseigneur un tel, conseiller du roi en ses conseils, évêque et comte d'une telle ville. Le lecteur, qui est toujours malin, et qui souvent s'ennuie, aime fort à tourner en ridicule un livre annoncé avec tant de faste. On se souvient alors que l'auteur de l'Imitation de Jésus-Christ n'y a pas mis son nom.
Mais les apôtres, dites-vous, mettaient leurs noms à leurs ouvrages. Cela n'est pas vrai ; ils étaient trop modestes. Jamais l'apôtre Matthieu n'intitula son livre, Évangile de saint Matthieu ; c'est un hommage qu'on lui rendit depuis. Saint Luc lui-même, qui recueillit ce qu'il avait entendu dire, et qui dédie son livre à Théophile, ne l'intitule point Évangile de Luc. Il n'y a que saint Jean qui se nomme dans l'Apocalypse ; et c'est ce qui fit soupçonner que ce livre était de Cérinthe, qui prit le nom de Jean pour autoriser cette production.
Quoi qu'il en puisse être des siècles passés, il me paraît bien hardi dans ce siècle de mettre son nom et ses titres à la tête de ses œuvres. Les évêques n'y manquent pas ; et dans les gros in-quarto qu'ils nous donnent sous le titre de Mandements, on remarque d'abord leurs armoiries avec de beaux glands ornés de houppes ;