Différence incipit réaliste et surréaliste
Premièrement, on remarque l’absence d’éléments spatio-temporels précis : « […] un vers qui l’avait hanté pendant la guerre, dans les tranchées » (l.10-11) soit après la guerre des tranchées, 1918. Et à peine plus précisément : « […] Beyrouth. Territoire sous mandat » (l.18) ; on se situe donc entre 1920 et 1946. En ce qui concerne l’espace, seule l’hypothèse est possible ; Louis Aragon est français, écrit à propos de Bérénice par Racine, français : l’histoire se situe vraisemblablement en France (ce qui reste un vaste territoire). On ne peut pas répondre aux questions de base que devraient nous apporter un incipit réaliste (Où ? Quand ? Quoi ?).
Deuxièmement, pour reprendre sur le thème de l’imprécision : on ne connaît que le nom et les pensées du personnage. Quant à Bérénice, il ne détaille pas plus : « franchement laide » (l.1), « Aurélien n’aurait pu dire si elle était blonde ou brune » (l.6). Le fait qu’il utilise une focalisation interne renforce sa subjectivité. Son manque de détails se reflète aussi sur la forme du texte : c'est-à-dire des phrases courtes dont beaucoup sont construites sans verbe : « Une étoffe qu’il n’aurait pas choisie. » (l.2), « Mais Bérénice » (l.9), « Ou pour une femme. » (l.20). Il utilise beaucoup de points de suspension (l.8/14/15/16/19/20/22…) qui traduisent soit des trous de mémoire, des silences ou des moments ou une réflexion est suggérée : « […] la malaria… qui avait attendu pour se déclarer » (l.22), « Césarée… » (l.20).
La focalisation interne de l’incipit nous permet de « rentrer » dans les pensées d’Aurélien, caractéristique du surréalisme : « Plutôt petite, pâle,