Diogene le cynique
Premier philosophe farouchement individualiste, Diogène montre un mépris toujours inégalé des conventions sociales, joint à un souci d'indépendance outrée et de franchise brutale. C'est pourquoi il continue d'avoir des compagnons de vie et de pensée.
Philippe-Jean Quillien
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Dans l'antiquité, une tradition tardive considère Antisthène (v.445v.360) comme le fondateur de l'école cynique, avec Diogène pour élève. De nos jours, on admet communément que les Cyniques doivent la plupart de leurs traits distinctifs à Diogène le Chien (“cynique” vient de kunos, chien).
Dans sa vie comme dans sa mort, Diogène de Sinope (v.400-325) s'est efforcé de faire le contraire de tout le monde. Comme un chien, il vit, mange et jouit en public. Mais il ne mord qu'en paroles tous ses contemporains qui pourchassent la fortune et la puissance, au lieu de mener la vie naturelle et simple du philosophe. Quand la foule l'applaudit, il se demande quel mal ou quelle sottise il a bien pu faire.
Selon Cercidas de Mégalopolis, Diogène meurt en retenant volontairement sa respiration. Il avait demandé qu'on laisse son corps sans sépulture, pour que les chiens ses frères s'en nourrissent. Demande scandaleuse : pour les Grecs, Charon repousse sans pitié les ombres de ceux qui n'ont pas été ensevelis et les laisse errer pendant cent ans sur la rive du Styx. Cette perspective infernale semble avoir effrayé les compagnons de Diogène. Il est d'ailleurs dans l'ordre des choses que les maîtres soient trahis par les disciples.
Diogène est enterré en grande pompe à Corinthe, cité où il avait installé le tonneau qui lui servait de maison. Sur sa tombe, on dresse une colonne, surmontée d'un chien en marbre de Paros. Pauvre Diogène, qui se moquait de la richesse, de la gloire et des honneurs !
De Diogène, on ne veut en général retenir que les outrances et les scandales. Selon Platon, c'est un “Socrate devenu fou”. Ce