Discours de amin maalouf
Monsieur le Président,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
J'ai très peu l'habitude de prendre la parole devant de hauts responsables politiques, même si nous avons à Paris une tradition bien établie de déjeuners informels à l'Élysée, comme dans les principaux ministères, où des romanciers, des compositeurs, des philosophes ou des metteurs en scène sont invités à exprimer librement leurs opinions, et à réfléchir ensemble à voix haute.
Je garde notamment en mémoire un repas au ministère des Finances, il y a quelques années. Nous étions cinq ou six autour du ministre et de son épouse, et certains convives avaient sévèrement critiqué les résultats économiques du gouvernement. Le ministre avait écouté patiemment, puis, à un moment, il avait posé sa fourchette pour dire : « Je vais être franc avec vous. En tant que ministre, le mieux que je puisse faire, c'est d'empêcher la situation dans mon pays de se détériorer. Il y a une conjoncture internationale, et même si je prenais les meilleures décisions, même si je ne commettais aucune erreur, les résultats que je pourrais obtenir ne seraient jamais meilleurs que ce que la conjoncture me permet. En revanche, si je commettais des erreurs graves, alors la situation de mon pays s'en trouverait significativement dégradée. ».
Ce caractère ingrat de l'action politique pourrait s'appliquer également à la question qui nous préoccupe ce matin. Les relations entre l'Occident et le Monde arabo-musulman sont tellement désastreuses au niveau global que même si l'on faisait la meilleure politique d'immigration, certains aspects du problème continueraient à nous échapper. Cependant, il y a au moins deux excellentes raisons pour agir dans ce domaine, et pour le faire judicieusement. La première, c'est qu'il faut évidemment empêcher le climat délétère qui sévit au niveau global