Discours sur romantisme
Mikhaïl Bakhtine et le Formalisme russe : une reconsidération de la théorie du discours romanesque
Karine ZBINDEN Université de Sheffield
INTRODUCTION Si Bakhtine n’a guère de mots tendres à égard du courant littéraire en opposition duquel il formule sa propre conception de la littérature et du roman dans les années 20 et 30, il est légitime de remettre en question l’imperméabilité de sa propre pensée à toute influence formaliste. En fait, le formalisme russe, plus utile en tant que «bon ennemi» qu’en tant que «mauvais allié» selon le jugement de Pavel Medvedev, entretient une relation autrement plus complexe qu’il n’est coutumier de l’admettre dans les études bakhtiniennes avec la notion de «discours romanesque» que Bakhtine développera dans ses essais sur le roman. Le présent article propose d’explorer cette connexion à l’aide (principalement) de deux textes de Bakhtine : «Le Problème du contenu, du matériau et de la forme dans l’œuvre littéraire» écrit en 1924 et «Du discours romanesque» écrit au début de la décennie suivante.1 Cette approche permettra de confronter certaines des critiques que Bakhtine formule à l’égard du formalisme dans les années 20 à ses propres réflexions sur le roman dans les années 30. Il ne s’agira pas de comparer la conception que Bakhtine a du formalisme russe (qui ne rend guère justice à la diversité et à l’évolution du mouvement) aux textes formalistes eux-mêmes mais au contraire de clarifier sa relation avec le formalisme à l’intérieur même de sa pensée.2 Toutefois, la conception du
1 Bakhtine, 1978a (orig. : 1975a) et 1978b (orig. : 1975b). 2 En ceci, mon approche se distingue de celles d’Igor’ Shaitanov et de Galin
Tihanov qui ont tous deux exploré la relation de Bakhtine avec le formalisme russe dans leurs articles respectifs : Shaitanov, 1997 (original : Šajtanov, 1996) et
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Cahiers de l’ILSL, N°14, 2003
roman de Bakhtine repose sur sa définition du discours et