Discours à l'assemblée constituante
Assemblée Constituante 1848
15 septembre 1848.
Je regrette que cette question, la première de toutes peut-être, arrive au milieu de vos délibérations presque à l’improviste, et surprenne les orateurs non préparés.
Quant à moi, je dirai peu de mots, mais, ils partiront du sentiment d’une conviction profonde et ancienne.
Vous venez de consacrer l’inviolabilité du domicile, nous vous demandons de consacrer une inviolabilité plus haute et plus sainte encore, l’inviolabilité de la vie humaine.
Messieurs, une constitution, et surtout une constitution faite par la France et pour la France, est nécessairement un pas dans la civilisation. Si elle n’est point un pas dans la civilisation, elle n’est rien. ( Très bien ! très bien !)
Eh bien, songez-y, qu’est-ce que la peine de mort ? La peine de mort est le signe spécial et éternel de la barbarie. ( Mouvement. ) Partout où la peine de mort est prodiguée, la barbarie domine ; partout où la peine de mort est rare, la civilisation règne. ( Sensation.)
Messieurs, ce sont là des faits incontestables. L’adoucissement de la pénalité est un grand et sérieux progrès. Le dix-huitième siècle, c’est là une partie de sa gloire, a aboli la torture ; le dix-neuvième siècle abolira la peine de mort. ( Vive adhésion. Oui ! oui !)
Vous ne l’abolirez pas peut-être aujourd’hui ; mais, n’en doutez pas, demain vous l’abolirez, ou vos successeurs l’aboliront. ( Nous l’abolirons ! -Agitation. )
Vous écrivez en tête du préambule de votre constitution : « En présence de Dieu », et vous commenceriez par lui dérober, à ce Dieu, ce droit qui n’appartient qu’à lui, le droit de vie et de mort. ( Très bien ! très bien !) Messieurs, il y a trois choses qui sont à Dieu et qui n’appartiennent pas à l’homme : l’irrévocable, l’irréparable, l’indissoluble. Malheur à l’homme s’il les introduit dans ses lois ! ( Mouvement.) Tôt ou tard elles font plier la société sous leur poids, elles dérangent l’équilibre nécessaire des lois et des