Dire « Nous sommes prêts à prendre des mesures de rétorsion en utilisant la bombe H » possède une force illocutoire qui confère au discours la force d'une action à proprement parler. En ce sens, le discours n'a pas besoin d'être strictement performatif pour être considéré comme un acte. Ce que nous devons faire, ce n'est donc pas tant rendre le discours indistinct de l'action que reconnaître la force du discours, voire, a contrario, la faiblesse de l'action, et nous préparer à ne plus percevoir les deux comme irréductibles. Un pas a été fait dans ce sens par Paul Ricoeur dans sa « phénoménologie de l'homme capable » (description des capacités de l'homme). Il s'agit, en effet, de passer d'une situation de culpabilité à une position de capacité, notamment par l'émancipation du discours humain. Alors que dans la Bible (Genèse, I :1), Dieu incarne la puissance du Verbe ('Dieu dit : « Que la Lumière soit » et la lumière fut'), l'homme n'est qu'une créature promise à la trahison et à la chute. L'identité du Verbe et de l'Acte divin au commencement réduit l'homme à une parole seconde, qui décrit et loue l'oeuvre de Dieu. Or, penser que le discours humain puisse créer, réaliser des choses, c'est non plus mettre l'accent sur notre culpabilité, mais sur nos capacités. Ricoeur remarque même que les capacités, bien avant d'être des actions effectives, sont d'abord des annonces : je dis mes capacités avant d'être capable, à proprement parler. Or, cette annonce des capacités, qui n'a rien de verbale, mais représente la manière qu'a l'homme d'investir le monde, appelle de nouvelles conditions d'expression. ( extraint de