L'article suivant de Charles Bonn, qui marque le début d'un certain nombre de contributions présentant des analyses détaillées par aires géographiques, est une tentative d'appliquer le concept de scénographie postcoloniale, emprunté à Moura, à l'espace d'énonciation (D.Maingueneau) du roman maghrébin. Partant de l'exemple algérien, Bonn nous dit sa difficulté à trouver dans les textes algériens de l'après-guerre d'indépendance la dimension collective que supposerait la scénographie postcoloniale. Le rapport des colonisés aux colonisateurs disparaît derrière le " je " humaniste qui s'attache à interroger le pouvoir de l'écriture. L'engagement est bien sûr présent, mais pas toujours là où on l'attendrait et l'exemple de rupture initiale avec le modèle occidental est peut-être à rechercher dans les premiers romans de Kateb Yacine, dès 1956. Il s'agirait là d'un propos qui étayerait les dires de ceux qui parlent de décolonisation bien avant les premières indépendances et qui militent pour une revalorisation de l'analyse critique des oeuvres écrites sous la colonisation (la dite littérature coloniale et de l'ère coloniale). Se déplaçant de la lutte contre le colonisateur vers la résistance aux régimes corrompus, la scénographie postcoloniale maghrébine comme il est peut-être possible d'en parler pour la première fois historiquement, prend le double tournant risqué et contradictoire du discours engagé et de l'enfermement, tous deux dépourvus de littérarité, sans compter la littérature inspirée par le pouvoir en place. En surexposant les catégories de la scénographie postcoloniale et en y mêlant le littéraire maghrébin, Bonn nous plonge dans une réalité complexe aux milles implications auxquelles viendront se greffer les romans délocalisés, de la migration, dirait-on aujourd'hui. La négation de cette littérature dans les pays d'origine respectifs est tout à fait en harmonie avec les préceptes de la scénographie postcoloniale qui voit dans l'affirmation de l'identité