Disproportion de l'homme
Introduction :
Dès les années 1655-1656, en pleine polémique contre les Jésuites, Pascal commence à élaborer un projet plus vaste de défense de la religion chrétienne, qu'il n'aura pas la possibilité de réaliser : il nous en reste un certain nombre de fragments rassemblés sous le titre général de Pensées. Le texte intitulé « Disproportion de l'homme » est un des mieux rédigés et des plus longs. On n'en présentera ici qu'une partie, la première. Il s'agit du célèbre passage où l'auteur s'efforce de donner un tableau saisissant de la situation de l'homme perdu entre l'infiniment grand et l'infiniment petit (d'où l'appellation de « texte sur les deux infinis »). Pascal a d’abord écrit Incapacité, mais le mot disproportion apparaît dès les premières lignes de la rédaction initiale. Il passe d’un terme psychologique et moral à un terme mathématique. La correction marque un changement dans la signification du texte. Pascal applique ce terme de disproportion à la situation de l’homme dans l’univers infini. Cet emploi exige quelque précaution. On distingue classiquement deux sortes d’infini : l’infini réel et l’infini virtuel. L’infini actuel est réellement infini : par définition il ne comporte pas de limite : c’est ce qui est plus grand que toute grandeur donnée, ou ce au-delà de quoi il ne peut rien y avoir. L’infini potentiel ou virtuel ne doit être dit infini que relativement à la dimension de l’homme. On emploie couramment le mot infini pour désigner une grandeur finie, mais si grande à l’égard de l’homme qu’il ne peut en percevoir ni en concevoir les limites. Noyé dans un univers actuellement infini, l’homme ne peut en avoir l’idée que par le biais de l’infini potentiel. Ainsi Pascal met-il la question de l'homme au cœur de son argumentation. Il s'agit donc d'adopter un certain point de vue sur