Je crois que la question est mal posée : le roman ne doit rien, mais tout dépend des choix esthétiques du romancier. Selon ces choix, le roman peut privilégier la description minutieuse du réel ou, au contraire, transformer ce réel en le faisant passer dans ses miroirs déformants. Si les réalistes, à l'instar de Balzac, se targuent de concurrencer les bureaux civils, de reproduire le réel de la vie, si Stendhal définit le roman comme un miroir qu'on promène sur la route (réalisme subjectif), d'autres romanciers croient, en revanche, que la fonction du roman et de l'art en général ne consiste pas à imiter servilement le réel, mais, comme dit Proust, à retraiter ce réel, à le passer à travers les filtres d'un roman qui n'est plus un simple miroir qui reflète et qui imite, mais un instrument d'optique qui perçoit le réel en lui faisant subir des métamorphoses où se révèlent le génie du créateur. Hugo, lui, en parlant du rapport entre le théâtre et l'Histoire, évoque, la baguette magique de l'art qui doit transmuer le réel au lieu de se limiter à le représenter tel quel. Mais une chose est sûre : la voie de l'imagination et la voie du réel ne sont pas opposées, mais débouchent l'une dans l'autre : c'est grâce à l'imagination qu'on parvient à mieux saisir le réel ou à mieux le représenter et le roman en tant que fiction ne peut exister sans le secours de l'imagination. Mais il faut ajouter que l'imagination, est un autre instrument de la vérité et non comme on peut le croire une source du mensonge, car même les fictions les plus imaginaires (les romans fantastiques, les romans de science fiction, etc.) sont toujours porteuses d'une vérité. Balzac et Zola, comme bien d'autres romanciers, n'ont pu représenter aussi bien leur contexte socio-historique que grâce à la fiction romanesque, à l'imagination qui reprend le réel et le représente selon ses propres lois.Sans imagination, un roman deviendrait un mémoire ou un écrit historique dénués de vie : l'imagination ne s'oppose