Il est aisé de soutenir René Char dans son exhortation à nous méfier des clichés : effectivement le poète, dès lors que l’on lit sérieusement un poème, n’est pas cet hurluberlu hors du monde et sans fonction ni intérêt. L’image stéréotypée de ce poète-là tombe vite dès lors que l’on évoque les poètes engagés (et pas seulement politiquement), qui sont capables, par le verbe, de transformer de simples « ennemis » en loyaux « adversaires » : les poètes sont capables de rendre du sens aux mots et aux choses, voire de leur conférer de la noblesse et de transformer comme le disait Mallarmé, « de la boue » en « or ». Mais il s’est agi de montrer, dans notre dernière partie, qu’au fond l’utilité du poète allait au-delà des dénominations habituelles et extravagantes : le poète n’est pas utile qu’en tant que mage à la Hugo ou guide ou même combattant tel que Char peut le voir. La poésie peut être utile pour voir, au quotidien, le monde concret, d’un nouvel œil et affirmer l’existence de ce qui vit. En fait René Char lui-même en était arrivé à ce constat désarmant de sobriété qui avant même de charger la poésie d’une mission, d’une fonction, ou même d’un sens, lui reconnaissait juste une aptitude à comprendre comme un constat, un état de fait: « la poésie, écrit-il, l’éloigne de sa mort » ; il ne s’agit alors même plus d’analyser en quoi la poésie peut être utile, ni d’énumérer ses différentes fonctions, encore moins de rendre hommage à sa noblesse passée - toutes ces considérations ayant disparu dans la formule brute de R. Char - mais juste de lui reconnaître ceci : la poésie ne sert sans doute à rien, sauf à