Dissertation du désir
À première vue, je désire ce que je n'ai pas : quelque chose me manque et j'en souffre. Il semble alors naturel que je souhaite satisfaire mes désirs. Toutefois, une telle satisfaction est-elle toujours possible ? N'existe-t-il pas, au moins, des rêves irréalisables ? Ou des désirs mauvais, inquiétants, qu'il vaudrait mieux ne pas réaliser ?
Dès lors se pose la question de savoir si l'on doit souhaiter satisfaire tous ses désirs. Voilà qui interroge moins le passage à l'acte - qui nous ferait tout entreprendre pour posséder de ce que nous désirons - que le désir du désir lui-même, la prise en compte de celui-ci : « souhaiter » satisfaire tous ses désirs, c'est éprouver et approuver l'aspiration à la plénitude que nous procurerait l'accès à tout ce qui nous attire, sans exception, quand bien même cet accès serait en fait impossible, interdit ou illusoire. Demander si l'on doit souhaiter une telle satisfaction, c'est chercher à savoir s'il faut le faire et donc non seulement s'il est logique mais aussi s'il est bon de le faire. Or on ne se demanderait pas s'il faut aspirer à combler l'intégralité de nos attentes s'il n'était en quelque façon dans la nature de nos désirs de nous faire désirer les satisfaire, ainsi que Platon l'a bien donné à imaginer sous la figure d'Éros dans le Banquet, tout en sachant que nous ne saurions céder à nos désirs sans discernement, ainsi que Socrate le donne à entendre dans le Gorgias à Calliclès, partisan inconditionnel d'une jouissance sans retenue. En tentant de savoir s'il est souhaitable de satisfaire tous nos désirs nous devrions apprendre à gérer au mieux l'insatiabilité de nos désirs, ce en quoi, peut-être, consiste la sagesse suprême.
Pour savoir s'il est souhaitable de satisfaire tous nos désirs nous commencerons par entendre ceux qui, tel Calliclès, le pensent, avant de donner la parole à ceux qui, tels Epicure et les Stoïciens, ne le pensent pas, afin de