Dissertation: les anges cornus avec des ailes de tôles
Bref, tous les ressorts du roman fantastique ou dramatique sont poussés à l’extrême dans ces contes que l’écrivain a nourris de son expérience de lecteur informé. Michel Tremblay a compris très tôt les inexactitudes de la fiction, aidé en cela par sa mère et sa grand-mère qu’il décrit dans Un ange cornu avec des ailes de tôle comme des lectrices affamées. Il est en effet bizarre que tout lecteur de fiction puisse croire a priori à l’existence d’êtres de papier au point de ressentir de l’émotion (peur, joie, colère, pitié, envie) face à des personnages ou à des situations inventés de toutes pièces, au point même de vouloir augmenter après coup ces émotions sur une « scène imaginaire ». Ces paradoxes, Michel Tremblay en discute au cours d’une longue conversation qu’ils ont, sa mère et lui, à propos du conte Les enfants du capitaine Grant de Jules Verne. Il interroge plus particulièrement sa mère sur les rapports entre le romanesque et la réalité vécue et en particulier sur la pertinence, au plan esthétique et moral, des émotions suscitées par une œuvre d’imagination dont les situations sont à la limite du vraisemblable. Cette confrontation ne prendra tout son sens, cependant, que si on la conçoit à l’intérieur des circonstances narratives que