Dissertation sur la poésie (citation de cocteau)
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Quel est donc ce « lieu commun » qu’il s’agit de « mettre en place » ? Les exemples fournis par Cocteau dans le co-texte de la citation peuvent nous guider. Il évoque « un chien, un fiacre, une maison ». L’animal familier, les objets ordinaires utilisés quotidiennement, voilà les thèmes que conseille le poète surréaliste, et qui paraîtraient plus à leur place dans un roman réaliste. Le paradoxe semblera moins si l’on veut bien considérer que le mot « surréalisme » choisi par les artistes regroupés autour d’André Breton dans les années 1920 n’est pas forgé sur un préfixe négatif. Si on considère au contraire qu’il porte une indication de valeur positive, on voit alors aisément qu’il est bien question de réalisme, mais d’un réalisme qui tiendrait compte du problème de la réception, c’est-à-dire de la façon dont nous percevons, parmi les éléments de la réalité, ceux auxquels nous sommes habitués. L’accoutumance a dégradé notre perception sensorielle, et c’est au milieu d’une « sous-réalité » que nous évoluons. Mais l’expression de « lieu commun » ne s’applique pas qu’à des objets : elle désigne aussi des idées « toutes faites » souvent exprimées par des expressions figées, comme le « coup de foudre » dans le domaine amoureux. Ces « lieux communs » de la pensée sont d’ailleurs liés au phénomène d’associations d’idées, qui nous ramène en fait au fonctionnement « machinal » du cerveau humain. Le projet poétique conçu par Cocteau est donc gigantesque : il s’agit de traquer en l’homme l’habitude, qui selon lui nous empêche de voir ou de penser le monde avec « fraîcheur ».