Dissertation théatre
A une époque où les oeuvres de fiction sont peuplées de personnages fantastiques ou héroïques (roman byzantin, roman de chevalerie, roman mauresque,...), le Lazarillo de Tormes, publié en 1554, prend le contre-pied des productions narratives de son temps, donnant naissance à un genre nouveau. Un narrateur, qui est à la fois protagoniste de l'histoire qu'il raconte, s'attache à décrire "sus fortunas y adversidades". Sa narration est émaillée de thèmes récurrents qui constitueront le noyau dur du roman picaresque: la faim, la représentation de certains types sociaux (le noble, le curé, etc.) ou la transgression des valeurs sociales de l'époque. Quarante-cinq ans séparent le Lazarillo de Tormes (1554) du Guzmán de Alfarache(1599), "ouvrage de fondation", comme l'a qualifié M. Molho, qui pose les caractéristiques essentielles du genre picaresque.
Le roman picaresque est, en premier lieu, le récit d'un anti-héros. Le pícaro est un gueux de basse extraction sociale, né de parents ouvertement marginaux ou délinquants. Son but est de changer de condition, de s'élever dans l'échelle sociale; à cette fin, il n'hésite pas à recourir aux subterfuges les plus astucieux, à la fraude et à la tromperie pour tenter d'échapper à la faim, ou à tout le moins, à la pauvreté. Il vit de menus expédients et se consacre à toutes sortes d'activités marginales, toujours liées à l'argent. Tour à tour mendiant, portefaix, valet, voleur, voire dans le meilleur des cas, financier, c'est-à-dire escroc pour les esprits de l'époque, il incarne le rejet des valeurs sociales. Dans une société où le profit est synonyme d'usure et le négoce d'activité douteuse, le pícaro reflète une mentalité hostile au mercantilisme. Au déshonneur de ses origines s'ajoute l'ignominie du personnage, prêt à tous les subterfuges pour trouver sa quotidienne pitance.
Reprenant le modèle épistolaire, le roman picaresque se présente, par ailleurs, comme un récit autobiographique