Dissertation
1) Jean de La Fontaine, poète engagé, libre et libertin
De 1880 à 1995 environ, La Fontaine bénéficia d’une grande considération de la part de la littérature humaniste, de l’Ecole laïque et de la gauche. En 1936, Giraudoux affirmait que ce poète avait anticipé le Front Populaire. Mai 68 en fit un hédoniste avant l’heure !
La culture républicaine française portée par l’institution scolaire valorisait des auteurs caractéristiques d’une " littérature qui entraîne l’homme vers l’amélioration de la condition des hommes et vers l’humanité", littérature pour laquelle "Ecrire, c’est une certaine façon de vouloir la liberté" (Sartre) : D’Aubigné, Rabelais, Marot, Théophile de Viau, La Fontaine, Molière, Montesquieu, Diderot, Voltaire, Rousseau, Beaumarchais, Dumas, Hugo, Sue, Sand, Zola, Baudelaire, Rimbaud, Barbusse, Breton, Vian, Camus, Eluard, Aragon, Césaire... Même Villon, Montaigne, Régnier, Corneille, Racine, Flaubert, Balzac et d’autres ne manquaient pas d’intérêt dans cette histoire.
Nous serions-nous trompés en glissant La Fontaine au cœur de cette généalogie de la littérature française engagée sur le terrain d’idées ? Voilà la question à laquelle cet article essaie d’apporter une réponse.
Depuis plusieurs années, les milieux libéraux conservateurs imposent peu à peu une rupture avec cette tradition littéraire française. Les nouveaux manuels scolaires en apportent chaque année la preuve. Celui édité par Hatier pour les classes de Seconde (Terres littéraires), sous la direction de quatre agrégés, cite 87 auteurs parmi lesquels La Fontaine brille par son absence (lui ont été préférés Laure Adler, Elisabeth Badinter, Pascal Quignard...). Généralement, les pages le concernant sont traitées avec une grande désinvolture La Fontaine dans les manuels scolaires : des biographies discutables.
Le génial fabuliste, objet de cet article, se voit souvent banalisé parmi les courtisans