dissertation
Introduction
(Amorce) À l’origine méprisé, le roman a mauvaise « réputation » : c’est un genre destiné « aux femmes », qui inspire aux lecteurs des idées folles, « romanesques »… et qui leur tourne la tête. Cervantès met très tôt en garde contre ce fléau en se moquant de la folie imaginative de Don Quichotte qui l’amènera à sa perte, Flaubert peint les dégâts causés par la lecture des romans sur l’esprit d’Emma Bovary. C’est que le roman met en scène des héros parfaits, idéalisés ou extravagants et rocambolesques, souvent si imaginaires qu’on ne saurait y croire, empêtrés dans des intrigues incroyables qui rendent difficile l’identification du lecteur et créent un écart entre fiction et réel : comment croire à ces bergers et ces bergères des romans que lisaient les précieuses de Molière ? Dans quelle mesure – et pourquoi – le romancier doit-il gommer la part imaginaire de ses personnages ? N’y a-t-il pas un certain risque à vouloir que ses personnages deviennent de véritables personnes et soient totalement imités du réel ? Quel parti le romancier peut-il en fait tirer de ce mélange de réalité et de fiction qu’est inévitablement le personnage romanesque ?
I. Pourquoi et comment le romancier chercherait-il à effacer les marques de fiction dans la création de ses personnages ?
1. La fiction toute-puissante dans le roman : le mythe du héros
Le mot « héros » vient du mot grec qui signifie « demi-dieu » : le héros, dans l’épopée antique, est un intermédiaire entre les dieux et les humains ; de cette origine, le personnage de roman a longtemps gardé cette sorte d’auréole qui suscite l’admiration par son courage, sa force de caractère ou sa grandeur d’âme que l’on ne saurait rencontrer que dans la fiction. Le roman, comme le théâtre avant lui, s’est approprié ce type de personnages admirables, tels que la vie n’en présente que très rarement, et