Dissertation
Université du Caire,
Octobre 2006
La séduction de Dom Juan, jeu de pouvoir discursif chez Molière, ou la tragédie de la noblesse
Charles Bonn
Université Lyon 2
La relation de Don Juan en général, mais plus particulièrement dans le Dom Juan de
Molière, avec les discours de la Cité peut être considérée comme un vestige de celle des anciens guerriers qui n’ont pas à répondre de leurs actes à un quelconque discours de la loi.
Le guerrier étant le protecteur de la Cité contre la sauvagerie ou simplement la violence extérieures, participe de cette sauvagerie ou de cette violence contre laquelle il défend les citoyens, et n’a donc pas à se soumettre à la loi qu’il défend. Aussi ne sera-t-on pas étonnés de voir que Dom Juan présente lui-même sa séduction des femmes comme une succession de conquêtes militaires (Acte 1, scène 2). Inversement d’ailleurs la guerre n’est-elle pas également alors avant tout un spectacle, dont le magnifique agencement chorégraphique sera raillé par Voltaire dans Candide au siècle suivant ?
En même temps on sait que suite aux excès de la Fronde, la politique de Louis XIV n’aura de cesse de déposséder progressivement la noblesse de ses prérogatives. Ne lui enlèvet-elle pas en effet la réalité du pouvoir, de plus en plus géré par des intendants bourgeois, au service d’un Etat-valeur abstraite, encore incarné par le roi jusqu’en 1789, mais qui se substitue au pouvoir personnel de l’aristocrate sur ses terres, aristocrate qui a d’ailleurs quitté déjà ses terres pour jouer son seul paraître à la Cour, sans voir que c’est par ce jeu sur un paraître de plus en plus coupé du réel que le pouvoir étatique le piège de plus en plus ?
Le personnage de Dom Juan revêt ainsi une dimension tragique, parce qu’il est un des derniers représentants d’un ordre guerrier qui n’a plus sa place dans un nouvel ordre moral, étatique et religieux auquel son père s’est déjà soumis, ce qui fait que Dom Juan ne