Dissertation
Introduction
Dans l'Antiquité, une partie de la littérature était consacrée à la poésie lyrique ; on désignait ainsi les chants dans lesquels les écrivains exprimaient, le plus souvent accompagnés d'une lyre, des sentiments élevés.
Aujourd'hui, il semble que beaucoup associent le genre poétique à cette classification originelle. La poésie, exclusivement lyrique, consisterait donc uniquement à exprimer son moi intime, ses sentiments personnels. Peut-on se satisfaire de cette définition qui, sans être complètement erronée, n'en est pas moins réductrice ? Nous verrons ainsi que la poésie est un espace privilégié d'épanchement du moi. Nous montrerons ensuite que le genre poétique peut également être un riche terrain d'exploration du réel. Enfin, nous nous attacherons à étudier la part d'universalité qui émane de l'expression lyrique.
I. La poésie, territoire privilégié de l'expression du moi
1. Le sentiment personnel comme source d'inspiration
La poésie permet, mieux que toute autre forme littéraire ou artistique, d'exprimer la part intime de soi. Rilke, dans ses Lettres à un jeune poète, donne à l'écrivain en herbe ce conseil : « Entrez en vous-même. Sondez les profondeurs où votre vie prend sa source. » L'écriture poétique, en effet, « prend sa source » dans les replis de notre être. Aussi de nombreux recueils ou poèmes se rapportent-ils à l'expression des sentiments personnels et font-ils référence à des expériences vécues : dans son recueil des Regrets, Du Bellay rapporte l'expérience décevante de son séjour à Rome. Son célèbre sonnet « Heureux qui comme Ulysse » montre la nostalgie du pays natal : « Quand reverrai-je, hélas ! de mon petit village/ Fumer la cheminée […] ? » De même, dans le recueil des Contemplations, Victor Hugo consacre de nombreux poèmes à la douleur qu'il éprouve à la suite de la mort de sa fille.