Dissertations
On entend souvent dire que le rêve s’opposerait à la réalité, en ce sens qu’il constituerait un refus de voir le monde tel qu’il est, un refuge dans notre intériorité : par quoi il faut généralement entendre un reproche, assez bien synthétisé par l’expression « prendre ses désirs pour la réalité ». Mais avant d’affirmer que le rêve s’oppose, ou ne s’oppose pas à la réalité, il serait bon de savoir de quelle réalité et de quels rêves on veut parler au juste. Le mot « rêve » peut en effet s’entendre en plusieurs sens : il peut avoir le sens restreint de nos rêves nocturnes ou celui, plus large, de nos rêves éveillés et, à la limite de l’ensemble de nos désirs. Quant au mot « réalité », il peut désigner la « réalité extérieure », ce qu’on appelle en général « le monde », mais aussi notre « réalité psychique .» Et il est loin d’être sûr que le rapport du rêve et de la réalité est le même pour toutes les formes possibles de « rêve » et de « réalité. » Il y a certainement dans le rêve, et plus généralement dans le désir, quelque chose qui refuse le monde tel qu’il est et donc, si l’on veut, une opposition à la réalité du monde extérieur. Mais il n’est pas sûr qu’il s’agit toujours, pour autant, d’un repli hors de la réalité : dans sa matérialité même, le monde n’est il pas également la réalisation, plus au moins accomplie, de nos rêves, ou du moins de certains d’entre eux ? La « réalité », au sens le plus « concret » du terme, n’est elle pas, en partie, constituée par nos rêves, et parfois par les plus « déraisonnables » en apparence ? Telles seront les premières questions que nous aborderons. Mais le rêve, au sens strict du terme, est d’abord celui de la nuit, où nous sommes assurément loin d’être plongés dans la réalité extérieure. L’inconsistance du rêve semble s’opposer en tout point à la consistance du réel, son incohérence apparence semble nous écarter de toute « véritable » réalité. Mais cette inconsistance