Djamila saadi zohra siagh
Hassiba et Aïcha : le vécu du mot « arabe » en Algérie
En tant que mot en acte, le praxème 1 « arabe » en Algérie constitue un complexe sémiotique et sémantique qui sans cesse réactualise son potentiel symbolique dans une relation entre langage et société. Les états de ces actualisations répétées convoquent bien sûr l'histoire, la culture, l'événement ; ils se confondent aussi avec une mise en scène langagière où les différents acteurs sociaux tentent, en élaborant une définition de soi et des autres, de figer, par les vertus « réifiantes » du mot, une réalité placée au centre de rapports de force en matière de quête d'identité, de polémique culturelle et sociolinguistique, d'anathèmes religieux... L'étude du mot « arabe » montre que le linguistique, conçu comme l'objet d'un enjeu de projet social et politique, fait éclater de toutes parts le cadre conceptuel du signe.
Du côté du signifiant, il s'incorpore dans des figures emblématiques qui lui confèrent une coloration contextualisée. L'islamisation du pays s'est accompagnée de l'arabisation de nombre de tribus berbères : islam/arabe/berbère se trouvent alors être en conjonction euphorique (l'être arabo-berbère est musulman), ou en disjonction polémique (se déclarer berbère c'est s'opposer à la définition arabe de l'Algérien). La colonisation a fait de « l'Arabe » le vaincu, le barbare, avec sa caravane de connotations dévalorisantes reprises souvent en auto-définition dérisoire par les Algériens eux- mêmes.
Du côté du signifié, « arabe » se définit par sens communautaire avec le noyau originel culturel et linguistique de l'islam. Il donne alors de soi une image en contradiction avec celle d'Algérien, l'individu, citoyen d'une société en quête d'ouverture sur autrui et de modernité. Les alliances et les ruptures des éléments qui constituent l'identité (reconnaissance ou négation de soi) s'articulent
1. Cette chronique s'inspire sur le plan théorique de la « praxématique » de Robert