(…)Mais pour que cette pitié ne demeurât point en nous stérile et oisive nous nous prîmes à réfléchir sérieusement sur les moyens d’améliorer le sort de ces pauvres créatures.
D’autres auraient réfléchi aux moyens de les supprimer : mais ceci est le rêve de réformateurs imprudents et brouillons qui abattent les mœurs en prétendant les relever. De tout temps la prostitution est un mal nécessaire. Les siècles les plus corrompus sont toujours ceux où l’on essaie de l’étouffer. Les passions brutales éclatent alors en viols, adultères, en incestes, en monstruosités de toutes sortes qui accusent hautement la politique des hommes vertueux.
La prostitution est aussi vieille que le monde. Ce fait universel se reproduit chez tous les peuples et à tous les âges sous des formes diverses. (…)
La femme entretenue est celle qui vit à la charge d’un homme ; elle ne se livre à aucuns travaux manuels et domestiques où descendent souvent les femmes légitimes ; toute sa tâche est d’être jolie et de plaire ; c’est un objet de luxe, d’orgueil et de plaisir qu’on se procure, quand on est riche, comme un beau cheval ou un chien de terre neuve ; leur goût dominant est l’amour de l’or, non qu’elles en soient avares mais avides.
La femme entretenue vit sur l’homme qui l’aime comme sur un pays conquis. (…)
La plupart de ces femmes ont été amenées à cet état par des vices, mais, il faut l’avouer, des vices excusables et dont peu de femmes sont exemptes. Par exemple, presque toutes ont été séduites par la coquetterie : c’est un premier cadeau dans leur goût et fait à point qui les a perdues. D’autres se sont laissées éblouir par le rayonnement de quelques pièces d’or, rayonnement auquel les femmes les plus honnêtes avoueront, si elles sont franches ne pas rester insensibles. (…)

Source : ESQUIROS Alphonse, Les vierges folles, Auguste Le Gallois éditeur,Paris, 1840, p5, p6, p10, p11, p15,