doc sciences
ENJEUX ET ACTEURS
Roland POURTIER
Table ronde : Aires et frontières religieuses en Afrique
Trois familles de religions se partagent le continent africain : par ordre d’apparition animisme, christianisme, islam. Peut-être serait-il préférable, d’ailleurs, de les décliner au pluriel, tant chacune d’entre elles comprend de faciès distincts. Leur géographie permet de distinguer de grandes masses. L’islam est exclusif ou dominant dans la partie septentrionale de l’Afrique, du Maghreb aux confins des zones tropicales forestières. Le christianisme couvre la partie méridionale qu’il partage avec l’animisme. Mais au-delà de ces configurations d’ensemble la réalité des territoires religieux s’avère complexe : dresser une carte des appartenances religieuses est presque aussi difficile que de cartographier les ethnies. S’il existe ici où là des discontinuités nettes, les chevauchements sont fréquents. D’autre part, l’identification de l’animisme en tant que religion dominante n’est pas toujours simple, tandis que l’adhésion affichée à une religion chrétienne ou musulmane n’exclut pas le recours à des pratiques animistes.
La référence aux grandes aires religieuses, en particulier à l’islam et au christianisme, apporte de l’eau au moulin de la thèse du « choc des civilisations », mais elle est bien trop réductrice pour rendre compte d’un panorama d’une complexité croissante. « L‘invention religieuse », selon l’expression de J.P. Chrétien, a trouvé une terre d’élection en Afrique Noire, bien au-delà des clivages anciens existant au sein des monothéismes : ni l’islam ni le christianisme n’ont jamais été monolithiques. Les grandes divisions qui les traversent, et parfois les agitent, se retrouvent dans une Afrique qui fut, notamment à l’époque des rivalités coloniales, le théâtre de compétitions entre catholiques et protestants, et qui, plus que jamais, est travaillée par les multiples courants mondialistes de l’islam et des églises