Docteur
C’est dans ce climat délétère qu’un soir d’automne un étranger frappe à leur porte. Comme il refuse de se nommer, on le surnomme le survenant. Le père Didace a tôt fait de constater que cet étranger, en plus d’être un bon travaillant, est un gai luron qui met de la vie dans une maison. Il s’attache à lui et l’invite à rester. Durant l’hiver, la maison ne désemplit plus : tous les habitants du Chenal-du-Moine, subjugués par le charme et les connaissances de l’étranger, viennent l’entendre parler du vaste monde. Il faut dire qu’on est au début du vingtième siècle et que ces paysans ne connaissent rien d’autre que leur petit patelin.
Angélina Desmarais, une fille du voisinage affligée d’une légère claudication, une fille sérieuse et pas très délurée, une fille qui a refusé tous les prétendants qui lorgnaient davantage la terre qu’elle recevra en héritage qu’elle-même, tombe aussi sous le charme du personnage. Contre toute attente, il répond à son sentiment, sans doute attirée par la marginalité de cette fille. L’hiver et le printemps passent. Le survenant ne cesse jamais d’étonner tout le monde : il construit un canot au père Didace, répare des meubles, remet à sa place le « coq du village » et s’impose même contre un lutteur de cirque. Il serait un véritable héros, si ce n’était qu’il avait un vice : il boit! Il entraîne les jeunesses du rang, et même le père Didace, dans ses virées à Sorel. Désolé de voir que le père Didace n’aura peut-être pas de descendant, il lui