Le XX° siècle, après quatre siècles d’élaboration, recueille sans bien savoir comment le percevoir, le mythe de Don Juan, mythe contrasté, réévalué au fil du temps dans des optiques souvent divergentes. Albert Camus trouve en Don Juan un héros de l’absurde, les critiques d’inspiration marxiste cernent en lui un héros contestataire, alors que la pièce de Molière semble le condamner comme un hors-la-loi et un impie. Don Juan est-il un héros exemplaire (« libre », « éblouissant », « grandiose ») ou un antihéros (« médiocre », « ridicule », « brûlant de ses derniers feux ») dont la cruauté et les mœurs dissolues sont répulsives ? Molière n’a voulu glisser dans sa pièce ni note ni préface comme s’il abandonnait le personnage, qu’il n’a pas choisi de jouer, à son mystère. Reste le texte, seul, énigmatique, dont la figure principale, Don Juan, s’offre à toutes les lectures, à toutes les mises en scène… A l’instar d’un critique contemporain, on peut se poser cette question : « Est-il un héros libre et fier ou un marginal hors-la-loi et traqué, à moitié ruiné, vieux avant l’âge et brûlant de ses derniers feux ? ». En quoi Don Juan apparaît-il dans la pièce éponyme comme un héros paradoxal ? Son personnage ne perd-il pas sa vraisemblance et son unité à être ainsi tiraillé par des représentations aussi divergentes ? La citation ne distingue pas seulement un contraste entre le héros et l’antihéros, elle propose que ces deux faces coexistent en même temps dans un seul et unique personnage. On se demandera alors si les lectures extrêmes du personnage héroïque et antihéroïque sont légitimées par le texte, si les valeurs épiques du héros cohabitent avec les éléments d’une