Dom juan et la religion
La grande originalité du Dom Juan de Molière par rapport au mythe, c'est l'aspect religieux : Dom Juan, non content de contester par son existence même les valeurs morales aristocratiques, le sacrement du mariage et le respect dû au père, s'attaque au fondement même de la société. C'est un libertin, non seulement au sens moral que le mot prendra au 18ème siècle (Valmont, dans les Liaisons Dangereuses, ou les personnages de Sade sont des "libertins"), mais au sens fort que prend le mot au 17ème siècle : athée, ou sacrilège.
Dom Juan est-il athée ?
Acte III, 1 : Dom Juan affirme ne croire ni au ciel, ni à l'enfer, ni à une vie au-delà de la mort : "je crois que deux et deux sont quatre..." On pourrait donc penser que Dom Juan est un athée conséquent, ou du moins un agnostique.
Or plusieurs scènes vont à l'encontre de cette affirmation :
• La scène du Pauvre (III, 2) : Dom Juan se moque cruellement de l'ermite, et de l'inefficacité de ses prières, qui le laissent dans le dénuement.
Il l'oblige à jurer, c'est à dire à commettre un sacrilège.
Or le Pauvre est un être sacré : c'est donc une attaque directe contre Dieu, comme le confirme la dernière phrase : "je te le donne pour l'amour de l'humanité". Dans la formule normale, on attend "pour l'amour de Dieu".
Est-ce une attaque contre la religion (institution purement humaine), ou contre Dieu ? Dans ce cas, attaque-t-on ce à quoi on ne croit pas ?
• La scène du tombeau (III, 5) témoigne du même mépris pour le sacré. Dom Juan n'est pas ou peu ébranlé, même par le "miracle" qui terrifie Sganarelle... mais il marque une impatience nouvelle.
• Dom Juan face à son père (IV, 4-5), puis à Donne Elvire (IV, 7) : Dom Juan est insensible à leur prière et à leurs objurgations.
• Les scènes d'hypocrisie (V, 1, 2 et 3) s'accompagnent d'un discours sur la religion, la cabale et les hommes pieux, qui sont soit hypocrites, soit dupes : ces scènes sont conçues comme l'injure