Don quichotte
Don Quichotte se présente d’abord au lecteur comme une œuvre destinée à faire rire, et Cervantès insiste sur cette dimension dès le prologue. La Manche est une contrée éminemment prosaïque, et il apparaît rapidement que le héros est le contretype d’Amadis de Gaule, le premier des chevaliers errants.
Cependant, le rire que le Quichotte inspire est d’un genre particulier, en raison de l’ambiguïté qui caractérise les aventures des personnages. Ainsi, le protagoniste est souvent ridicule mais il mérite d’être appelé « ingénieux » ; sa culture encyclopédique, ses qualités d’observation et de réflexion forcent le respect de ses interlocuteurs. Par ailleurs, la frontière n’est pas toujours nette entre ce dont on rit et ceux qui font rire, comme en témoignent les épisodes où le Duc et la Duchesse s’égayent aux dépens de Don Quichotte et de Sancho. On remarque également que les ressorts du comique changent de nature au fil du texte, notamment entre la première et la deuxième partie. Enfin, la mission dont le protagoniste est investi se révèle ambiguë elle aussi, en particulier quand il entreprend de libérer les galériens, ou le jeune Andrés, frappé à coups d’étrivières par son maître. Chaque fois qu’il revient à Don Quichotte de tirer la leçon d’une aventure un doute s’insinue dans l’esprit du lecteur, soit qu’il affecte la réalité même de cette aventure soit qu’il porte sur le sens que le protagoniste prétend lui donner. Cervantès, d’un bout à l’autre de son histoire, joue habilement de la diversité des opinions émises par ses personnages et par la vertu de cette polyphonie, le parcours du héros échappe constamment à toute interprétation univoque.
S’il est vrai que le Quichotte provoque le rire, ce rire n’est donc ni uniforme, ni réductible à une essence. Par ailleurs, le comique de l’œuvre dépend de la relation entre personnages et lecteur, et cette relation, aujourd’hui, n’est plus la même que celle