)

À la fin du XIXe siècle, de nombreux travaux de nature scientifique consacrés aux empreintes digitales concurrencent les méthodes anthropométriques élaborées par Alphonse Bertillon. Ce dernier adopte face à la dactyloscopie une attitude non pas hostile mais prudente. Ses incidences sur certaines pratiques policières d’identification apparaissent pourtant décisives.

Alphonse Bertillon face à la dactyloscopie
Nouvelle technologie policière d’identification et trajectoire bureaucratique
251

(

par Pierre PIAZZA

D

ans un article récemment publié dans la revue Criminologie, Benoît Dupont [2004] remarque à juste titre : « Parmi les institutions de l’État, la police est certainement l’une de celles qui ont été le plus touchées par le développement de la science et des techniques. Pourtant, la manière dont s’est faite et continue de se faire cette transformation re ste un champ délaissé de la rech e rche en sciences sociales. » Cette affirmation apparaît particulièrement pertinente en ce qui concerne les pratiques policières d’identification. La profonde mutation qu’elles connaissent à la fin du XIXe siècle et au tournant du siècle mérite de faire l’objet d’analyses plus systématiques. Outre qu ’elle autorise une meilleure

Les Cahiers de la sécurité, 56, 1er trimestre 2005, p. 251-270

252

compréhension des enjeux auxquels renvoie l’essor actuel de nouveaux dispositifs d’identification, une approche « génétique » de cette question permet également d ’ i nvalider certaines contre-vérités. Ainsi, les plus communément répandues aujourd’hui pré s e n tent Alphonse Bertillon comme l’inve n te des empre i n te digitales ou l’éri gent en pri n c i p a l ur s détra c teur de cet te te chnique d’identification. En 1879, Bertillon, entré un an plus tôt à la préfecture de Police de Paris en qu a l i té de commis aux écri t u re élabore s, une méthode d’identification des individus qu’il qualifie de « scientifique » et présente comme infaillible. Reposant