Droit
La voie de fait et le droit (∗)
A propos de deux arrêts récents de la Cour suprême Mohammed Amine BENABDALLAH Professeur à l’Université Mohammed V Rabat-Souissi 1. L'histoire de la voie de fait, au Maroc, est à la fois compréhensible et frappée du sceau de la bizarrerie. Compréhensible pour celui qui, convaincu que le système juridictionnel marocain ne serait jamais ce qu'il est sans l'influence des textes édictés sous le protectorat, saisit parfaitement que leur application ne pouvait se soustraire à l'inspiration de la jurisprudence française. Mais bizarre pour celui qui admet difficilement que notre Cour suprême ne cherche pas à faciliter le traitement d'un litige en ayant pour principal souci la protection du justiciable sans s'embarrasser outre mesure de principes, sans doute fort importants sous leurs propres cieux, mais sans fondement là où on veut les maintenir. C'est cette curieuse impression que l'on ressent à la lecture des arrêts récemment rendus par notre haute juridiction et dont il convient d'extraire l'essence des faits pour mieux en mesurer la gravité. Possédant un terrain à Agadir, le requérant est surpris de son occupation par l'Etat qui y construit une école publique sans respect pour la moindre procédure juridique. Il s'adresse au Tribunal administratif d'Agadir qui déclare son incompétence. Après appel devant la Cour suprême, celle-ci confirme le jugement du Tribunal. Une affaire semblable se produit dans la même ville mais, cette fois-ci, l'Etat procède à un lotissement. La Cour suprême adopte derechef la même attitude. 2. Dans les deux cas d'espèce, la Cour suprême, organe régulateur (1) dont la position doit constituer en la matière une jurisprudence qui doit mettre fin à toutes les tergiversations des tribunaux hésitant encore sur l'attitude à adopter, a procédé à une interprétation très restrictive de l'article 8 de la loi 41-90 instituant les tribunaux administratifs. Elle a estimé que cet article ayant établi